Guatemala : Inquiétude face à la criminalisation des défenseur⸱ses des droits humains autochtones des 48 Cantones de Totonicapán et face au risque d’une vague d’arrestations
Front Line Defenders exprime son inquiétude concernant la criminalisation des leaders autochtones mayas K'iche' des 48 Cantones de Totonicapán, dans le but de réprimer les manifestations en faveur des droits collectifs des peuples autochtones.
48 Cantones de Totonicapán est une organisation indigène maya et l’autorité légitime du peuple de Totonicapán, dans l’ouest du Guatemala. L’organisation travaille au nom du peuple maya K'iche' et de ses droits collectifs au territoire, à l’identité culturelle et à l’autonomie.
Le 23 avril 2025, le parquet du Guatemala a émis des mandats d’arrêt à l’encontre du leader autochtone et défenseur des droits humains Héctor Chaclán et de trois autres leaders des 48 Cantones de Totonicapán. Ils sont accusés de sédition, de terrorisme, d’association illicite et d’entrave à la justice. Dans le cadre de l’enquête en cours, le parquet a déclaré qu’il demanderait également des mandats d’arrêt contre d’autres membres de la municipalité indigène de Sololá et d’autres leaders autochtones au Guatemala.
Le parquet a également émis un mandat d’arrêt citant les mêmes accusations à l’encontre de Luis Pacheco, vice-ministre du Développement durable, qui relève du ministère de l’Énergie et des Mines, et ancien président des 48 Cantones de Totonicapán. Luis Pacheco et Héctor Chaclán ont été arrêtés le 23 avril.
Les organisations locales de défense des droits humains affirment que ces persécutions sont des représailles pour avoir légitimement exercé le droit de manifester et le droit à la résistance pacifique. Ces représailles visent les défenseurs qui ont protégé les droits collectifs de leurs communautés en octobre 2023, lorsqu’ils ont organisé une manifestation nationale pour dénoncer l’intervention arbitraire du parquet lors des élections générales qui ont eu lieu plus tôt cette année-là. Les leaders autochtones du pays sont devenus des figures centrales de la protestation, les manifestations étant dirigées contre les pouvoirs politiques, militaires et économiques qui ont l’habitude de bafouer les droits collectifs des communautés indigènes et qui cherchent à intervenir dans le processus électoral.
En septembre 2023, le parquet a confisqué au Tribunal suprême électoral les urnes du premier et du second tour des élections. Selon l’Organisation des États américains (OEA) ces actions ont été menées « sans motif valable, violant les fonctions d’indépendance et d’autonomie de l’organe électoral ». L’OEA reconnaît également le droit des 48 Cantones de Totonicapán à participer à la manifestation pacifique contre l’abus de pouvoir du parquet
La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a publié une déclaration condamnant la détention arbitraire des leaders autochtones des 48 Cantones de Totonicapán, évoquant une « utilisation abusive du droit pénal à des fins politiques ». Lors de sa visite au Guatemala en 2024, la CIDH a conclu que cette persécution et cette criminalisation incluent « l’utilisation d’accusations pénales ambiguës et disproportionnées », ce qui met en évidence « le manque total d’indépendance du parquet et son rôle actif pour perpétuer l’impunité et la corruption ».
Front Line Defenders condamne la persécution et les tentatives de criminalisation des leaders autochtones des 48 Cantones de Totonicapán, en représailles contre leur travail en faveur des droits sociaux, politiques et économiques. Front Line Defenders est profondément préoccupée par le fait que le parquet porte atteinte au droit de défendre les droits humains en faisant un usage inapproprié et abusif du droit pénal.
Front Line Defenders appelle les autorités guatémaltèques à abandonner toutes les charges portées contre les leaders autochtones des 48 Cantones de Totonicapán. Les autorités doivent enquêter et sanctionner ceux qui abusent de leur position de pouvoir, et veiller à ce que les droits des défenseur⸱ses des droits humains autochtones au Guatemala soient protégés à tout moment.