Togo : Les coupures d’internet entravent le travail des défenseur⸱ses des droits humains dans un contexte de répression des manifestations
Front Line Defenders condamne fermement les coupures ciblées de l’accès à internet depuis l’escalade de la violence étatique au Togo, qui entravent gravement le travail des défenseur⸱ses des droits humains et des acteurs de la société civile pendant une période critique de mobilisation publique.
Depuis mi-juin 2025, les défenseur⸱ses des droits humains au Togo rencontrent de plus en plus d’obstacles lorsqu’ils exercent leurs activités en faveur des droits humains, en particulier suite aux grandes manifestations citoyennes qui ont eu lieu à Lomé du 25 au 27 juin 2025. Ces mobilisations, organisées par des jeunes en réponse à une frustration croissante vis-à-vis de la gouvernance, des violations des droits humains et l’absence de réformes, ont été accueillies par une répression violente comprenant des arrestations arbitraires, des passages à tabac et certaines sources ont signalé des exécutions extrajudiciaires.
Dans le même temps, les défenseur⸱ses des droits humains subissent des coupures ciblées d’internet, ce qui entrave considérablement leur capacité à surveiller, documenter et signaler les violations. Les données analysées par des chercheurs de l’université Georgia Tech à l’aide de la plateforme IODA (Internet Outage Detection and Analysis) confirment une forte détérioration de l’accès à des plateformes telles que YouTube entre le 26 et le 30 juin, probablement en raison d’un filtrage délibéré, d’un ralentissement de la connexion ou d’une censure au niveau de la couche d’application. Ces conclusions ont également été confirmées par l’internet Society Togo, qui a fait état de perturbations généralisées affectant les connexions mobiles et fixes, en particulier au plus fort des manifestations. Selon Internet without Borders, les autorités togolaises restreignent l’accès à plusieurs plateformes de communication, dont Facebook, Telegram et Signal, et ralentissent délibérément la vitesse d’internet via les principaux fournisseurs d’accès : Yas Togo (Togo Telecom), CanalBox (GVA CanalBox) et Moov Africa Togo (Atlantique Telecom).
Parmi les personnes concernées figure le défenseur des droits humains Foly Satchivi, ancien président de l’association étudiante Mouvement En Aucun Cas, qui a longtemps été pris pour cible en raison de ses activités militantes. Le 3 juin 2025, le défenseur des droits humains a posté une vidéo appelant la population à soutenir les manifestations prévues le 6 juin 2025 pour réclamer de meilleures conditions de vie, une bonne gouvernance et la fin des restrictions de la liberté d’expression. Le 6 juin, il a posté d’autres vidéos dans lesquelles il documentait ces manifestations et le 26 juin, il a de nouveau posté une vidéo appelant à manifester du 26 au 28 juin. Après que le défenseur a commencé à publier ces vidéos, il a fait l’objet d’une série croissante de menaces anonymes, en particulier entre le 22 juin et juillet, notamment des campagnes publiques de diffamation et des messages postés sur les réseaux sociaux et par téléphone incitant à la violence à son encontre.
Foly Satchivi a été arrêté pour la troisième fois dans le cadre de son travail pacifique en faveur des droits humains, le 7 juillet 2025 chez lui dans le quartier de Bè, à Lomé, par des hommes masqués armés et en tenue civile. Il a été conduit à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Après cinq jours de détention, il a été transféré à la prison civile de Lomé. Les charges retenues contre lui, basées sur une vidéo dans laquelle il appelait la population à se mobiliser et à participer à des manifestations en juin, comprennent « diffusion de fausses informations », « trouble de l’ordre public » et « incitation à la révolte », des accusations fréquemment utilisées pour criminaliser la dissidence. Bien qu’il soit détenu depuis plusieurs semaines ; il n’a toujours pas été traduit devant un juge et reste en détention préventive sans base légale claire.
Front Line Defenders craint que le ciblage de Foly Satchivi ne fasse partie d’une stratégie plus large visant à faire taire les voix dissidentes et à criminaliser l’activisme légitime. Les restrictions d’accès à internet ont un impact direct sur sa capacité, et celle d’autres personnes, à communiquer, à se documenter et à défendre leurs intérêts à un moment critique de la mobilisation publique. Front Line Defenders appelle les autorités togolaises à libérer immédiatement Foly Satchivi et à abandonner toutes les charges liées à son activisme pacifique. L’organisation demande également aux autorités de lever les restrictions sur l’accès à internet et de veiller à ce que les défenseur⸱ses des droits humains puissent exercer leur travail légitime en toute sécurité et sans crainte de représailles, conformément aux obligations du Togo en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.