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10 Mars 2025

Bulgarie : Un militant saoudien risque l’expulsion, Sofia devrait autoriser la réinstallation dans un pays tiers

Les autorités bulgares devraient suspendre tout projet d’expulsion vers l’Arabie saoudite du défenseur des droits humains saoudien Abdulrahman al-Khalidi et permettre sa réinstallation dans un pays tiers, ont déclaré aujourd’hui 20 organisations. Si elles expulsaient ce critique notoire du gouvernement saoudien, les autorités bulgares violeraient l’obligation de non-refoulement imposée par le droit bulgare, européen et international, qui interdit de renvoyer une personne dans un pays où elle risque d’être torturée ou maltraitée.

L’agence nationale de sécurité bulgare a émis un ordre d’expulsion à l’encontre d’Abdulrahman al-Khalidi en février 2024. Le 21 octobre 2024, la décision du tribunal administratif de Sofia a confirmé l’ordre d’expulsion, imposant l’expulsion obligatoire vers l’Arabie Saoudite, selon l’avocat d’Abdulrahman Al-Khalidi. M. Al-Khalidi a une autre demande d’asile en cours et son avocat en Bulgarie a déclaré à Human Rights Watch que son ordre d’expulsion ne peut pas être exécuté tant que ses recours en matière d’asile ne sont pas épuisés et rejetés.

« La Bulgarie violera ses obligations en matière de non-refoulement et se rendra complice de la répression saoudienne si elle expulse Abdulrahman al-Khalidi vers l’Arabie saoudite avant l’issue de sa demande d’asile », a déclaré Joey Shea, chercheur sur l’Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Les autorités bulgares et de l’Union européenne doivent empêcher cette atteinte flagrante du droit international et du droit de l’UE, mettre fin à l’expulsion de M. al-Khalidi et autoriser immédiatement sa réinstallation dans un pays tiers ». 

Les organisations de défense des droits humains ont documenté le fait que les autorités saoudiennes ciblent les défenseur⸱ses des droits humains et les activistes qui s’expriment pacifiquement, les condamnant à des peines de plusieurs dizaines d’années, ainsi que les abus généralisés au sein du système de justice pénale de l’Arabie saoudite. 

Abdulrahman Al-Khalidi défend les droits humains depuis plus de dix ans, plaidant pour les droits des prisonniers et participant à de nombreuses manifestations de soutien aux détenus saoudiens. 

Il a fui l’Arabie saoudite en 2013, craignant pour sa sécurité. Abdulrahman Al-Khalidi a poursuivi son activisme à l’étranger en écrivant des articles dans lesquels il critique le gouvernement saoudien et en participant au mouvement en ligne du célèbre journaliste saoudien Jamal Khashoggi, Bees Army, qui cherche à contrer la propagande pro-saoudienne et les trolls sur internet. Il a vécu en exil pendant près de dix ans en Égypte, au Qatar et en Turquie, mais après le meurtre de Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul, Abdulrahman al-Khalidi s’est rendu à pied en Bulgarie pour demander l’asile.

En mai 2022, l’Agence nationale bulgare pour les réfugiés a rejeté la demande d’asile de M. al-Khalidi, estimant qu’il ne risquait pas d’être persécuté en Arabie saoudite et que l’Arabie saoudite avait « pris des mesures pour démocratiser la société ». L’avocat d’Abdulrahman Al-Khalidi en Bulgarie a déclaré à Human Rights Watch que le défenseur a fait appel auprès de la Cour administrative suprême de Bulgarie à deux reprises et attend une décision. La décision peut également faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel et la Cour suprême. 

Les organisations de défense des droits humains ont fait état de mauvaises conditions de vie et d’hygiène, de coups portés par des officiers et d’autres mauvais traitements pendant son incarcération au centre de détention de Sofia Busmantsi. En avril 2024, Human Rights Watch a documenté les allégations d’abus commis par des policiers dans le centre d’hébergement pour migrants de Busmanci, en Bulgarie, à l’encontre d’al-Khalidi. Une source informée a déclaré à Human Rights Watch qu’Abdulrahman Al-Khalidi s’est vu refuser des soins médicaux par la suite. Les autorités bulgares doivent enquêter sur les agressions et les abus présumés et demander des comptes aux responsables. 

La Bulgarie a l’obligation de s’abstenir de renvoyer des personnes vers un autre État où « il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture », conformément à l’article 3 de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette protection s’applique également en vertu de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et du droit international coutumier. 

L’expulsion d’Abdulrahman Al-Khalidi pourrait également violer l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés, qui interdit « le refoulement d’un réfugié, de quelque manière que ce soit, aux frontières ou dans les territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

« La violation potentielle par la Bulgarie du droit européen et international est très préoccupante, en particulier parce qu’elle pourrait exposer Abdulrahman al-Khalidi à la torture et à d’autres abus graves en Arabie saoudite », a déclaré Abdullah Alaoudh, Chargé de la lutte contre le terrorisme au Middle East Democracy Center. « L’Agence nationale bulgare pour les réfugiés a eu tort de conclure que les “mesures” prises par l’Arabie saoudite “pour démocratiser la société” étaient suffisantes pour rejeter la demande d’asile de M. al-Khalidi, compte tenu du fait que l’État continue de persécuter les dissidents politiques comme lui ».

Signataires :

  • ALQST for Human Rights
  • Bayerischer Flüchtlingsrat - Bavarian Refugee Council
  • Center for Legal Aid – Voice in Bulgaria
  • Collettivo Rotte Balcaniche
  • European Saudi Organization for Human Rights
  • Feminist mobilisations (Bulgarie)
  • Front Line Defenders
  • Gulf Centre for Human Rights (GCHR)
  • Human Rights Watch
  • HuMENA for Human Rights and Civic Engagement 
  • La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains
  • Law and Democracy Support Foundation – LDSF
  • Medical Volunteers International (BG: Medical Solidarity International)
  • MENA Rights Group
  • Middle East Democracy Center (MEDC)
  • Migrant Solidarity Bulgaria
  • Munich Refugee Council – Münchner Flüchtlingsrat
  • No Name Kitchen
  • Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains
  • Scalabrinian Agency for Development Cooperation (ASCS)