
Mohamed Al-Roken
Je suis de nature optimiste. J’imagine que l’avenir se construit sur cette idée des droits humains et de sa culture. Celui qui n’a pas le sentiment de vivre dans une société libre qui lui permet de se sentir égal aux autres aura le sentiment que son humanité est incomplète. Un proverbe dit que dans une confrontation entre la rivière et le rocher, c’est toujours la rivière qui l’emporte. Non pas grâce à sa force, mais grâce à sa persévérance. Ceux qui œuvrent en faveur des droits humains dans la région du CCG ne sont pas forts, mais ils sont persévérants.
Mohamed Al-Roken, éminent avocat en droits humains, joue un rôle de premier plan pour apporter une assistance juridique aux victimes de violations des droits humains dans les Émirats arabes unis (EAU), notamment à ses collègues défenseur⸱ses des droits humains. Ancien président de l’Association of Jurists des Émirats arabes unis, il est titulaire d’un doctorat en droit constitutionnel de l’université de Warwick, au Royaume-Uni, et est membre de l’Association internationale du barreau. Il a écrit plusieurs livres sur les droits humains, les lois contre le terrorisme et la liberté d’expression.
En 2011, Mohamed Al-Roken a été l’un des 133 citoyens des Émirats arabes unis à signer la pétition en ligne appelant à des processus plus démocratiques aux Émirats arabes unis et demandant que le Conseil national fédéral des Émirats arabes unis (FNC), un organe consultatif chargé d’examiner la législation, soit entièrement élu plutôt que partiellement élu et partiellement nommé. Cette pétition a donné lieu à l’arrestation et au procès des principaux instigateurs de la pétition, connus sous le nom des « 5 des EAU », dont les défenseur⸱ses des droits humains Ahmed Mansoor et Nasser bin Ghaith. Mohamed Al-Roken était l’un des avocats de cette affaire.
En juillet 2012, les autorités ont mené une grande rafle de défenseur⸱ses des droits humains et de détracteurs du gouvernement, dont Mohamed Al-Roken. Lui et les autres détenus sont désormais appelés les « 94 des EAU » et ont été accusés de complot visant à renverser le gouvernement. Le procès qui s’en est suivi était manifestement inéquitable et entaché de nombreuses violations des droits humains. Il est largement considéré comme un tournant dans l’histoire du pays car, à ce jour, c’est la plus grande tentative visant à faire taire les appels en faveur de réformes démocratiques. Pendant leur détention provisoire, les accusés n’ont pas été autorisés à contacter un avocat ; tous ont été placés à l’isolement dans des centres de détention inconnus, certains pendant plus d’un an ; beaucoup ont déclaré au juge qu’ils avaient été torturés ; et des « aveux » obtenus sous la torture ou après d’autres mauvais traitements ont été utilisés devant le tribunal comme preuve de leur « culpabilité ».
Le 2 juillet 2013, la Cour suprême fédérale a condamné Mohamed Al-Roken à 10 ans de prison. La cour a également prononcé des peines de prison allant de 7 à 15 ans à l’encontre de 68 autres accusés, dont huit par contumace. Les accusés n’ont pas eu le droit de faire appel de leurs condamnations.
L’arrestation et la détention de ces 60 accusés dans le cadre du procès « 94 des EAU » ont été jugées arbitraires dans l’avis n° 60/2013 du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) lors de sa 68e session, qui a recommandé leur libération immédiate et qu’ils reçoivent une réparation.
Malgré les demandes répétées des organismes internationaux de défense des droits humains, Mohamed Al-Roken est toujours détenu dans des conditions épouvantables dans la tristement célèbre prison d’Al-Razeen, à 120 km d’Abu Dhabi. Selon certaines sources, il fait l’objet de mesures disciplinaires arbitraires, telles que la mise à l’isolement, la privation de visites familiales et des fouilles corporelles aléatoires.
Le 31 juillet 2019, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits humains et le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont adressé une lettre conjointe au gouvernement émirati pour lui faire part de leurs préoccupations concernant la situation et les conditions de détention du défenseur dans la prison d’Al-Razeen.
Le 16 septembre 2021, le Parlement européen a voté à une écrasante majorité en session plénière une résolution condamnant les violations des droits humains dans les Émirats arabes unis, y compris la persécution des défenseur⸱ses des droits humains. La résolution demande spécifiquement « la libération immédiate et inconditionnelle d’Ahmed Mansoor, de Mohammed al-Roken et de Nasser bin Ghaith, ainsi que de tous les autres défenseur⸱ses des droits humains, activistes politiques et dissidents pacifiques ».
Il devait être libéré le 17 juillet 2022, mais cette date est maintenant dépassée et il reste incarcéré, sans aucun commentaire de la part des autorités.
Mohamed Al Roken est l’un des finalistes du Prix Front Line Defenders 2014. Depuis la prison, il a écrit le message suivant pour répondre à cette reconnaissance :
« Je suis de nature optimiste. J’imagine que l’avenir se construit sur cette idée des droits humains et de sa culture. Celui qui n’a pas le sentiment de vivre dans une société libre qui lui permet de se sentir égal aux autres aura le sentiment que son humanité est incomplète. Un proverbe dit que dans une confrontation entre la rivière et le rocher, c’est toujours la rivière qui l’emporte. Non pas grâce à sa force, mais grâce à sa persévérance. Ceux qui œuvrent en faveur des droits humains dans la région du CCG ne sont pas forts, mais ils sont persévérants ».