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18 Juillet 2025

Lettre conjointe de plusieurs ONG à l'approche du sommet UE-Chine

Monsieur le Président Costa,

Madame la Présidente Von der Leyen,

Nous vous écrivons pour vous demander de faire passer les droits humains en priorité lors du prochain sommet entre l'Union européenne (UE) et la Chine, qui se tiendra en Chine les 24 et 25 juillet. Lors de la récente réunion du G7, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a parlé d'un « nouveau choc chinois » et a exhorté les membres du G7 à réagir en renforçant leur coopération, leur résistance et en adoptant d'autres approches. Nous pensons qu'une ambition similaire devrait s'appliquer à l'approche de l'UE et de ses États membres concernant l'aggravation de la crise des droits humains en Chine, et que de nouvelles initiatives devraient être publiquement adoptées lors du prochain sommet pour s'appuyer sur et aller au-delà des engagements existants énoncés dans les Perspectives stratégiques UE-Chine de mars 2019.

Nous apprécions le soutien de longue date de l’UE à la société civile indépendante et aux défenseur⸱ses des droits humains dans toute la Chine, et nous saluons les interventions publiques, telles que les déclarations fermes devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (ONU), identifiant des cas particuliers préoccupants. Nous remercions l’UE d’avoir condamné la détention arbitraire des militants des droits humains Xu Yan et Yu Wensheng, qui ont été arrêtés alors qu’ils se rendaient à une réunion avec des responsables de l’UE. En septembre 2022, le Haut Représentant et vice-président de l’époque, Josep Borrell, a utilement fait écho aux préoccupations du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) selon lesquelles les politiques du gouvernement chinois dans la région ouïghoure « pourraient constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité ». Nous reconnaissons le récent – le quarantième – cycle de dialogue UE-Chine sur les droits humains.

Pourtant, ces initiatives de l’UE et des États membres ne dissuadent pas les autorités chinoises de s’attaquer de manière généralisée aux droits humains depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2012. Lui et d’autres dignitaires confient en leur impunité pour les détentions arbitraires généralisées, l’assimilation forcée, le travail forcé et la torture en Chine ainsi que pour la répression transnationale, y compris en Europe. Les autorités chinoises non seulement refusent de respecter la grande majorité de leurs obligations internationales en matière de droits humains, mais elles cherchent également à réécrire les normes mondiales en matière de droits humains et à affaiblir les principales institutions internationales.

Nous exhortons l’UE et ses États membres à faire face à cette crise des droits humains—qui affecte de plus en plus non seulement la population en Chine, mais aussi dans le monde entier — avec la même détermination pour identifier et adopter des approches alternatives, comme elle le fait actuellement pour les questions de sécurité et de commerce.

Dans cet esprit, nos organisations vous exhortent à utiliser le Sommet pour garantir que justice soit rendue pour les victimes et les survivants des violations et abus perpétrés par Pékin :

En condamnant publiquement les crimes contre l’humanité commis par le gouvernement chinois, ainsi que l’impunité dont ils jouissent, en faisant écho aux conclusions et aux recommandations des organes de l’ONU, notamment le rapport d’août 2022 du HCDH sur le Xinjiang, les examens de 2023 de la Chine par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, l’Examen périodique universel (EPU) de 2024 et les procédures spéciales des Nations Unies. L’UE devrait réaffirmer que les crimes contre l’humanité relèvent de la compétence universelle et que les responsables peuvent et doivent être tenus pénalement responsables et traduits en justice, y compris dans les États membres de l’UE. L’annonce du 18 juin 2025 par la plus haute cour pénale d’Argentine d’entendre une affaire intentée par des Ouïghours alléguant que les autorités chinoises ont commis un génocide et des crimes contre l’humanité devrait donner confiance et entrainer un élan vers des initiatives similaires dans les États membres de l’UE, et pousser à demander des compte par le biais des mécanismes de l’ONU. Cette démarche est cohérente avec les remarques de la Haute représentante Kaja Kallas en mars 2025, qui soutenait largement le droit international et la nécessité que les auteurs soient « traduits en justice ».

En appelant publiquement à la libération immédiate et inconditionnelle des défenseur⸱ses des droits humains qui ont été détenus pour leur travail, et en nommant explicitement les individus, y compris le citoyen de l’UE Gui Minhai, le lauréat du prix Sakharov, Ilham Tohti, et d’autres personnes mentionnées dans la dernière déclaration de l’UE au Conseil des droits de l’homme des Nations unies : Gulshan Abbas, Anya Sengdra, Ekpar Asat, Chadrel Rinpoche, Rahile Dawut, Ding Jiaxi, Ding Yuande, Dong Yuyu, Drugdra, Gao Zhen, Gao Zhisheng, Go Sherab Gyatso, Golog Palden, He Fangmei, Huang Qi, Huang Xueqin, Hushtar Isa, Yalkun Isa, Ji Xiaolong, Li Yanhe, Lobsang Gephel, Lobsang, Khedrub, Lu Siwei, Peng Lifa, Qin Yongmin, Ruan Xiaohuan, Semkyi Dolma, Tashi Dorje, Tashpolat Tiyip, Wang Bingzhang, Pastor Wang Yi, Kamile Wayit, Xie Yang, Xu Na, Xu Zhiyong, Yang Hengjun, Yang Maodong, Yu Wensheng, Pastor Zhang Chunlei et Zhang Zhan.

En soulignant les engagements pris lors du G7 pour mettre fin à la répression transnationale (RTN), y compris aux abus commis par le gouvernement chinois, tant dans les États membres de l’UE qu’ailleurs. Ces engagements peuvent être démontrés par des enquêtes et des poursuites, tout en soutenant et en protégeant les individus et les communautés qui peuvent être ou ont déjà été ciblés par la RTN. Ces violations des droits humains comprennent l’intimidation, la surveillance, les menaces ou actes de violence physique, les menaces contre les membres de la famille et la répression numérique, en particulier le harcèlement sexuel ou le langage dégradant visant les femmes.

En réitérant publiquement que l’UE et ses États membres sont prêts à utiliser tous les outils à leur disposition pour tenir les responsables du gouvernement chinois responsables des violations des droits humains, notamment le droit à la liberté de religion ou de conviction, comme dans le contexte de la sélection du prochain Dalaï Lama.

En soulignant publiquement que l’UE attend du gouvernement chinois qu’il respecte ses obligations en matière de droits humains librement ratifiées en vertu du droit international, et en appelant à l’abrogation urgente des lois et des dispositions pénales incompatibles avec ces obligations, y compris, mais sans s’y limiter, la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong, l’ordonnance de sauvegarde de la sécurité nationale de Hong Kong, « le fait de provoquer des querelles et des troubles », la « subversion » et « l’incitation à la subversion du pouvoir de l’État », et la procédure pénale de « surveillance résidentielle dans un lieu désigné », conformément aux recommandations des organes des droits humains de l’ONU.

Après 50 ans de relations entre l’UE et la Chine, l’UE devrait prendre la mesure de l’intensification de la répression exercée par le gouvernement chinois à l’intérieur et à l’extérieur du pays, et exprimer sa solidarité avec les personnes à travers la Chine qui cherchent à exercer, à faire respecter et à défendre les droits humains. La récente décision de l’UE d’annuler un dialogue économique et commercial avec le gouvernement chinois en raison de graves divergences suggère une volonté de faire pression sur Pékin par le biais de nouveaux moyens. Les atteintes de plus en plus graves des droits humains commises par les autorités chinoises devraient motiver de nouvelles stratégies. Sans ces mesures, les populations à travers la Chine – et en Europe – sont de plus en plus en danger.